Lorsque des chercheurs tentent de comprendre l’entrepreneuriat et ses effets macro-économiques, ils s’attachent à interviewer les entrepreneurs eux-même. Ils sont la source et le reflet de l’évolution dans laquelle nous vivons.
Je souhaite partager avec vous le témoignage d’un entrepreneur, Alexandre B. Il est représentatif de ce que je souhaite décrire : L’évolution du modèle classique, à savoir, « étude – emploi salarié – retraite ». Les modèles évoluent et les comportement changent. Ceci en est un bel exemple.
Franck BRUNET :
Bonjour Alexandre. Merci d’accepter cet échange. Alors, je rentre dans le vif du sujet, vous étiez salarié durant 15 ans, vous êtes père de 2 enfants et un jour vous avez décidé de vous lancer dans l’entrepreneuriat.
Pourriez-vous vous présenter ?
Alexandre B. :
Bonjour Franck, merci de votre confiance.
Je m’appelle Alexandre B. J’ai effectivement un parcours plutôt classique. J’ai eu un BTS Action Commercial, puis une prépa et une école de commerce. Ensuite mon premier emploi dans une agence de communication durant 5 ans et je suis « chassé » par un cabinet de recrutement pour une grosse PME dans le secteur informatique. Je monte en responsabilité tous les 2 ans environ pour arriver un un bon poste de Directeur de grand compte avec le bon salaire qui va avec.
Après 10 ans durant lesquels j’ai été passionné pas ce que je faisais, j’ai décidé de créer ma propre entreprise.
Qu’est-ce qui a déclenché cette volonté de créer votre entreprise ?
Alexandre B. :
Lorsque j’étais salarié, surtout durant les 3 dernières années, je me suis rendu compte que je m’éloignais de ce qui me passionnait. Je grandissais dans l’entreprise et j’avais de plus en plus de responsabilités, mais finalement cela m’a éloigné de ce que j’aimais faire et c’était normal.
Avec l’expérience et le temps, l’entreprise a confiance en vous, elle investit en vous. Vous devenez un capital avec un retour sur investissement mesurable. Je ne suis pas cynique sur ce point car c’est simplement le reflet de la nature humaine en fait. C’est à dire que ceux qui ont l’expérience et les connaissances dans une organisation sont amenés à être plus préservés. Les nouveaux prennent à leur tour des tâches en apparence moins intéressantes. Ces missions que l’on me retirait pour gagner en recul et prise de vue me détachait finalement de ce que je voulais continuer à faire mais cela ne colle pas avec la vision des organisations des entreprises. J’irai même jusqu’à dire que ce que je voulais était « anthropologiquement » incompatible avec le modèle de l’entreprise classique encore d’aujourd’hui.
Il me fallait donc faire un choix : Continuer ainsi sans passion, mais dans le confort ou prendre plus de risques avec moins de confort mais plus de passion.
Et donc, je me suis lancé dans la création d’entreprise.
Comment vous ai venu l’idée de votre entreprise actuelle ? Et que fait-elle ?
Alexandre B. :
Légalement, je ne pouvais pas créer tout à fait dans le même secteur que dans l’entreprise dans laquelle j’étais salarié. En fait, j’aurai pu le faire, mais par loyauté, je ne l’ai pas souhaité. Cela est peut-être dépassé, mais c’est en phase avec mes valeurs. Je suis donc en accord avec moi-même sur ce point. Et puis, on se rencontre toujours après, il était donc important de bien quitter l’entreprise dans laquelle j’ai été durant 10 ans.
Ensuite, je suis parti d’un constat client que j’avais maintes fois rencontré dans la logistique et ces évolutions avec le web comme canal de vente. Les délais sont bien-sûr très courts, mais en fait tout se situe dans le dernier kilomètre et après la livraison. Souvent les acteurs sont différents et c’est à ce moment que les problèmes arrivent et que l’expérience client/utilisateur est décisif pour la suite : Soit il devient client et peut le rester, soit le client devient destructeur. C’est une vision simpliste mais réaliste.
Alors j’ai tenté d’apporter une solution dans la E-logistique mêlant mes savoir-faire dans un nouveau terrain de jeux.
Vous avez créé votre entreprise, aujourd’hui vous la géré, vous n’avez pas les équipes d’auparavant pour vous aider. Quel conseils pouvez-vous donner à une personne qui veut créer son entreprise ?
Alexandre B. :
En ce qui me concerne, je n’ai pas rencontré véritablement de difficultés car je me suis préparé durant 8 mois avant de me lancer. J’avais besoin de mûrir les choses car c’était malgré tout un grand changement dans ma vie.
Ce que je peux dire, c’est qu’il ne faut pas négliger la préparation personnelle. J’ai fait deux stages de développement personnel. C’était ma méthode mais je pense qu’on est trop focalisé sur le sujet de la création d’entreprise alors qu’on néglige trop vite celui qui porte ce projet. Je me suis posé des questions comme :
– Suis-je la bonne personne pour ce projet ?
– Ai-je l’envie de perdre en confort ?
– Quelle est ma vision de mon projet et de moi-même dans 5 ans ?
Mais ce qui était révélateur est que je n’ai jamais eu de doutes quant à la décision en elle-même de devenir entrepreneur. Et ça, c’était une évidence pour moi.
Je me sentais solide sur le fait d’entreprendre et de changer ma vie. Je savais que cela allait dans le bon sens pour moi et ma famille.
En suite, j’ai préparé et pris du recul. J’ai un peu appliqué cette équation : Chercher – imaginer – tester – modifier. Certains appareilleraient cela du lean startup, sauf que je l’ai fait durant 8 mois. Oui, car je devais finir correctement mon rôle de salarié.
Comment avez-vous géré l’équilibre entrepreneuriat / vie de famille ?
Alexandre B. :
Lorsque j’étais salarié j’étais déjà très impliqué dans ce que je faisais. Cela a toujours été ma façon de faire : Faire… oui, mais à fond.
Donc le volume de travail est resté sensiblement identique. La différence était que j’y pensais plus souvent, même durant les temps en famille. Ma femme a été formidable. Nous nous sommes toujours soutenus et cette décision d’entreprendre à presque été une décision de couple. Elle a su mettre des limites lorsque je ne les voyais pas, me dire de prendre du recul et du repos lorsqu’il le fallait. Je pense que la réussite d’un entrepreneur tient beaucoup à son entourage et au maintient de l’équilibre affectif.
Aujourd’hui, l’entreprise est lancée, elle vit bien et j’aborde une autre phase, celle de la consolidation et du développement. Je suis plus serein et je peux désormais m’appuyer sur des personnes avec qui je partage l’aventure. Je profite donc plus des moments avec ma famille, tant au niveau du temps passé, qu’au niveau de la qualité du temps passé. Je cloisonne plus facilement et je suis plus présent mentalement.
Qu’est-ce que votre entreprise vous a apporté personnellement ?
Alexandre B. :
Créer mon entreprise m’a libéré du regard des autres, de ces conventions dans lesquels nous évoluons. Je suis aujourd’hui plus libre de mes décisions et de mes actes sans me soucier d’une guerre de territoire comme il peut en exister dans certaines entreprises.
L’autre point, plus terre à terre, je ne passe plus des heures à faire des réunions pour préparer des réunions. Mon action est plus concrète :
On parle moins et on agit plus.
Ce qui est paradoxale, c’est qu’avec mon entreprise il y a plus de risques personnels, je suis plus impliqué et lié à la réussite de mon entreprise, surtout depuis que j’ai embauché, mais je suis beaucoup moins stressé. Je me rends compte de l’énergie inutile que l’on dépense dans une organisation pour faire sa place et surtout pour la conserver.
Je ressens plus un stress positif, motivant dans la réussite de l’entreprise. J’ai donné plus de sens à ce que je fais. Aujourd’hui je vois que durant 10 ans j’ai été un rouage dans une organisation ou chacun a son périmètre métier, ses responsabilités, ses comptes à rendre. Mais sans vous, finalement c’est un autre qui le fait et on vous oubli vite. En disant cela je n’ai aucun regret ni aucune rancœur car j’ai participé et fait partie de cela.
Quelle est votre vision pour vous-même et votre entreprise ?
Alexandre B. :
Après cette belle étape du lancement, je vais prendre plaisir à voir grandir cette entreprise. Elle va grossir, mais je sais qu’un jour je vais passer du mode « création et développement » au mode « gestion » et à ce moment là je sais qu’il y aura de nouvelles questions :
– Suis-je toujours la bonne personne pour gérer cette entreprise ?
– Ai-je envie de gérer une entreprise ?
– Ai-je plutôt envie de repartir sur une nouvelle création ou, pourquoi pas, une reprise ?
Je ne sais pas encore, sauf que j’aurai le recul suffisant pour voir le bout d’un cycle. Pour l’entreprise, je sais qu’elle va bien se développer. Je suis confiant et vigilant sur cela. Peut-être sera-t-elle intégrée à un groupe ou est-ce mon entreprise qui fera l’acquisition d’une autre entreprise ? Il y a aussi le développement à l’international.
Vous voyez il y a encore beaucoup à faire. Je vis une passion et une belle aventure. Je ne vois pas le temps passer.
Aujourd’hui, je commence à penser à transmettre surtout lorsque je vois mes enfants grandir. Et quand je parle de transmettre, ce n’est pas seulement une entreprise, mais surtout des valeurs, une expérience de vie. J’ai envie qu’ils vivent de leurs passions et qu’ils le vivent pleinement. Je pense que c’est un bon ingrédient d’une belle vie et c’est ce je souhaite à tout entrepreneur.
Merci Alexandre
Franck de CREER-GAGNER
Pour les entrepreneurs aventuriers et passionnés
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