CE N’EST PAS L’INFORMATION, MAIS SON UTILISATION QUI CRÉE DE LA VALEUR

2034

information valeur

Dans quelles conditions l’information est-elle susceptible d’être une ressource, au même titre que le travail, le capital, les technologies, les compétences, les modes organisationnels ou entrepreneuriat ?
Quand l’information se mue-t-elle en facteur de production ? Il est clair qu’en tant que telle, l’information n’est pas davantage un facteur de production comme n’importe quelle autre marchandise. Le plus grand volume de l’information est libre d’accès et d’usage. Elle ne se vend ni ne s’achète. La connaissance des spectacles, des horaires de trains, des informations régionales peuvent devenir des marchandise qui s’achètent, tout en restant des biens de consommation finale des ménages sans finalité productive.

L’information n’est pas – en dehors de celle qui est brevetable – un facteur de production par destination. Elle le devient par une décision de l ‘entreprise.

L’acquisition d’une connaissance est un processus dynamique, plus long et plus complexe que celui de la négociation et de la signature d’une transaction de marché. L’achat d’une information occasionne des coûts de transactions à comparer avec les coûts d’organisation qui résulteraient d’une internalisation alternative de sa production (dans la mesure où celle-ci est matériellement envisageable, ce qui est rarement le cas dans les domaines technologiques spécialisés et plus largement les entreprises industrielles, même au niveau des grands groupes).
À l’instar des arbitrages entre faire, faire-faire et faire en coopération (Soussi 2002) il existe toujours, en principe, la possibilité de produire soi-même l’information, de la commander sur spécifications ou de la coproduire. Mais le processus ne se limite pas à cela. L’achat d’une information, aussi unique soit-elle, n’est d’aucune utilité si elle n’est pas intégrable (et pas seulement intégrée) au sein d’un process et d’une institution donnés. La capacité de lecture et d’interprétation en environnement complexe et incertain est un élément clé. C’est le consommateur qui, seul, transforme une information spécifique en facteur de production. C’est donc l’usage d’une connaissance précise qui crée de la valeur marchande. La distinction ci dessus renverse la séquence habituelle de l’économie de l’information, en attribuant le rôle déterminant à l’utilisateur-récepteur, par rapport à l’émetteur. Ceci va fonder l’intelligence économique.

L’utilisation de l’information comme facteur de production fait intervenir plusieurs niveaux de maîtrise de la connaissance, c’est-à-dire d’apprentissage.
Le concept d’apprentissage a, au départ, une signification restrictive, (Arrow 1962 ; Morvan 1985) qui reflète l’aptitude à perfectionner son propre fonctionnement par la prise en compte des résultats passés. C’est un processus par lequel on s’approprie des connaissances et des compétences qui accroissent l’efficacité de processus existants. La courbe d’apprentissage reflète la relation entre les gains de productivité et l’expérience acquise. Il a été montré depuis que l’apprentissage ne se limitait pas à reproduire à l’identique les pratiques existantes, mais incluait une dimension créative supposant des capacités réactives et proactives. Le concept s’est élargi et regroupe aujourd’hui toute la diversité de modes d’acquisition-transformation des connaissances détenues par d’autres. Ceux-ci vont de l’enseignement magistral à l’apprentissage sur le tas, en passant par toutes les formes d’interaction créatrice : learning by studying, by searching, experiencing, using, doing, monitoring, interacting (Bellon, 1997).
L’apprentissage est un processus progressif, itératif et cumulatif, d’appropriation mais aussi de développement de compétences nouvelles. Au-delà de la maîtrise des routines, l’apprentissage comporte une dimension créative et la potentialité de créer des solutions nouvelles face aux problèmes de production et de marchés. Plus les investissements et les innovations externes sont rapides, plus les résultats de l’apprentissage, sous forme d’habileté des hommes à passer d’une technique à une autre, à explorer des techniques nouvelles, ou à adopter des modes organisationnels différents sont décisifs. Le processus d’apprentissage met enjeu, pour un niveau déterminé de problèmes à résoudre, des connaissances techniques et scientifiques, des capacités à interpréter des connaissances standards, des connaissances non techniques et non scientifiques, des routines organisationnelles et des relations humaines. L’apprentissage est donc autant déterminé par la nature du système d’information lui-même, que par celle des problèmes techniques à résoudre.

Franck de Créer-Gagner